mardi 10 juillet 2007

M. Ward


M. WARD Post-War

Cet album est paru en 2006 sous le label londonien 4AD. Sans doute le meilleur album rock cette année là. Post-War frappe par une certaine douceur, malgré une guitare omniprésente au son gras, souvent agitée avec véhémence. Le son est comme mis en sourdine ce qui donne un son vieillot, comme un vieux vynile des années 50, du meilleur effet. La voix grave et rauque de matt ward est toujours lente, posée, classy. Tout l'album repose sur un nuage de légéreté malgré la lourdeur de la voix, des instruments, du rythme. Chaque chanson donne l'impression d'un envol parfait, nous amène dans des univers successifs oniriques et différents. On a l'impression de sentir les influences country du songwriter, puis on pense successivement au texas, à de la musique mexicaine,blues, bossa nova, brésilienne, folk voire purement rock. On se sent comme pris dans une montagne russe musicale, comme le révèle plus explicitement la chanson rollercoaster. Le disque se découvre au fil des écoutes successives, comme un usual suspects qu'on ne pourrait pas vraiment comprendre la première fois. La richesse des instruments, des mélodies, la perfection de la composition happe comme une deuxième vague, après l'impression initiale de simple douceur. En écoutant post-war on repense à l'album de 1968 songs from leonard cohen, le poids de la musique en plus, et de l'âge également, puisque près de 40 ans séparent les deux albums. Matt Ward fait aujourd'hui partie des figures les plus avancées du mouvement indie-rock, ou indie-folk, c'est selon. Il a colaboré avec conor oberst sur l'album cassadaga de bright eyes, tandis que post war aété mixé par mike dogis, lui-même membre de bright eyes. Pour son cinquième album, le canadien a encore une fois reçu l'ovation des critiques, même si son travail n'obtient que peu de publicité et de reconnaissance du public.

Indie Rock, rock austère

Les années 2000 sont-elles les années "indie-rock", comme les années 90 ont pu être considérés dans leur première partie comme les années grunge?

Le terme d'indie-rock, c'est-à-dire de rock indépendant, référe au système de production du disque. Est indépendant le groupe qui ne se fait pas produire par une "major", une grosse maison de disque, mais par un petit label. D'ailleurs le mouvement indépendant est ancien. Déjà un groupe comme sonic youth représentait un courant arty et indie dans les années 80. Seulement le terme a changé de sens, mû par son succès. Même les groupes produits par des majors se font désormains appeler groupes indie. Ainsi les Strokes ou les Rakes, parmi les plus connus, sont produits par le prolifique label V2, la branche musicale du groupe Virgin. Cette dénomination refléte en réalité un état d'esprit, une volonté de se démarquer des groupes ante nouveau millénaire, un nouveau vent qui souffle sur le rock.

Celui-ci semblait en effet vieillissant à la fin des années 90. Les vagues electro-rock (kraftwerk, depeche mode, OMD), electroclash (Fischerspooner), disco-rock (new order), new wave (smith, cure), métal (guns and roses, aerosmith), bruitiste (sonic youth) des années 80 ont écartelé le rock dans les multiples directions que les autres mouvements musicaux offraient.

La quatrième décennie d'existence du rock l'a laminé. Même ses adeptes ont semblé vouloir le dénaturer, découvrir autre chose. Les années 1990 ont été la lente agonie régénératrice du mouvement musical. Le synthétiseur, après ses nombreux ravages, a quitté progressivement les lieux. La révolution grunge a marqué la rupture avec cette époque, violemment et urgemment, dès 1990. Nirvana, Pearl Jam, Alice in Chains ou Soundgarden semblent renouer avec le rock rugueux des Stooges, du mouvement punk de 1977 voire de led zeppelin, en sautant la case 80's. D'autres ont préféré suivre la voie de l'expérimentation: le trip hop de portishead, massive attack ou morcheba; l'éclectisme tinté d'electronique de Beck; l'onirisme innovateur de Radiohead, le techno-rock des chemical brothers, leftfield, prodigy.

Tous ces mouvements ont connus leur heure de gloire dans les années 90. Cependant d'autres courants ont également démarré à ce moment, porteur du rock de la décennie actuelle. La brit pop insouciante, des stone roses puis de blur, oasis, supergrass, pulp...et le rock propre et féminin des cranberries présage du retour d'un rock rythmique, jeune et joyeux avec les strokes en 2001, puis les célèbres franz ferdinand, libertines, art brut, bloc party ou kings of leon.

L'aute courant majeur est celui des auteurs-compositueurs à fleurs de peau, à la musique intimiste et mélancolique, souvent d'influence folk. Nick cave, elliot smith, beck, jeff buckley, ben harper, belle and sebastian, eels minimalisent un folk-rock reconcentré qui à son tour expie les exubérances des années 80 et 90, les dernières mettant le rock en retrait derrière les phénomènes dance, boyz bands, techno. Dix ans plus tard ces songwriters ont amenés dans la carrières de nombreux émules. Les plus célèbres sont cat power, conor oberst, sufjan stevens ou m. ward, mais bien d'autres suivent derrière.

Ces deux courants sont à la base du mouvement indépendant. Le rock des années 2000 a su y trouver des racines puissantes pour se ressourcer et se recouver intégralement de ses plaies. Le synthé, la techno ou le hardcore métalleux de dernière génération (korn, rammstein...) ne sont plus aujourd'hui que des mauvais souvenirs. Aujourd'hui le rock, et particulièrement le rock indé, semble être revenus au top des genres musicaux en vogue. Le genre est fécond mais demeure encore marqué par sa régénération. L'indie-rock est en effet advenu pour expier les délires musicaux des 20 dernières années.

Les conséquences en sont les influences sans cesse remarquées aux années 70. Que ne l'a-t-on entendu lors de la sortie du premier album de franz ferdinand, qui a fait l'effet d'une bombe en 2003! Idem pour les libertines, pour lesquels on ne peut s'empêcher de penser aux clash en les écoutant, surtout lorsque l'on sait que leeur manager n'a été autre que mick jones, le compositeur du groupe de 1977. Les énergiques scissor sisters puisent évidemment dans le disco...des années 70. Les précédents songwriters leonard cohen, cat stevens, bob dylan, neil young, auxquels sont renvoyés sans cesse les actuels indie A-C-I (auteurs-compositeurs interpretes) officiaient également dans les années 70. Au fond la référence à cette décennie passée n'a rien d'étonnant puisqu'elle est la dernière honorable, avant les honnies 80's et 90's.

L'autre conséquence des racines du mouvement indie est l'austérité du rock proposé. Austérité musicale par réaction aux excès musicaux des années 90 et 80: fin des grosses guitares bien lourdes et viriles, fin (ouf! encore une fois) du synthé, fin de la technorock, fin des rythmes suaves et éffeminés de la new wave, des opéras-rocks. Austérité également du métamusical, de ce qui entoure la musique proprement dite. Looks soignés, mèches de veuchs savamment désorganisées, tenues conventionnées jean-tee-shirt-parfois-veste-noire-de-costard. Pas de couleurs, que du neutre. Le style est propre, simple, hygiéniste. Comme la musique proposée. Comme la société actuelle. Les drogues ne sont plus de tout revendiqués (sauf par pete doherty peut être), les anciens drogués des années précédentes, comme marianne faithful ou keith richards reviennent sur scène après cure de désintox sous les bravos. Topper headon, ex-clash héroïnomane ayant dû quitter le groupe à la demande des autres membres, fait acte de pénitence pour les méfaits de sa prise de drogue pour la vie du groupe. Les songwriters ont abandonné la passion des combats politiques pour des textes plus neutres fondés sur leurs parcours personnels. Si bright eyes a soutenu la candidature kerry en 2004, par exemple, ce ne fut qu'un engagement ponctuel et exceptionnel, rendu nécessaire par la peur d'un nouveau mandat bush. Lorsque sufjan stevens dédie un album au michigan, et consacre une chansons aux anciens mineurs et ouvriers de la région, cela débouche sur des musiques gaies chantant l'amour.

Cependant une fois ce renouveau confortablement assis, le rock déluré, fou-fou, pourrait refaire surface. Les scissor sisters, groupes disco et homosexuel, ressort les costumes à paillettes et la musique joyeusement sex-appealing. Les C.S.S. et leur chanteuse en font de même: combi en latex et simulations d'actes sexuels sur fond de dance-rock endiablé, aux textes moqueurs (la chanson paris hilton a notemment pour refrain : "do you like the beach, bitch?"). Vers un sex, drugs and rock'n'roll adapté à l'hygiénisme de la société? En attendant le rock indie, rock austère par nature, rayonne par ses mélodies très soignées, son excellence technique, ses textes neutres, sa facilité d'accès.